Il était une fois l'école

Mes poêles

Avant les radiateurs

Une expérience vécue par Marius Mouette, un animateur du musée de l'école.

Georges Nigremont raconte, dans « l'histoire de Jeantou, un maçon creusois » qu'au XIXème siècle, il fallait apporter ses bûches pour le poêle de l'école... Jusqu'au milieu du siècle dernier, il en était de même dans de nombreuses écoles rurales et même dans certaines écoles urbaines

Durant mon enfance, vivant dans la petite commune de Comblanchien, une commune riche grâce à la location des carrières de pierres recherchées pour les belles demeures, chaque habitant avait son affouage gratuit, et le bois ne manquait pas à l'école. Notre salle de classe, située dans l'aile droite de la Mairie et qui accueillait les élèves de cours moyen jusqu'à la fin d'études, avait en son centre un poêle majestueux, posé sur une épaisse plaque de tôle pour protéger le plancher.

Chaque matin, les élèves de service, un grand de fin d'études et un plus jeune, devaient arriver une demi-heure avant tout le monde. Il fallait commencer par vider les cendres et laisser les abords propres. Ensuite, on se rendait au bûcher, pour quérir les sarments de vigne, qui ne manquaient pas dans ce bourg de la Côte d'Or, du petit bois et des bûches. On plaçait le tout, de manière savamment étudiée sur un vieux journal froissé et on allumait.

Quand garçons et filles entraient en classe un peu plus tard, le poêle ronflait et une douce chaleur commençait à se répandre. Il ne fallait pas oublier le panier de bûches, afin que notre vénéré maître puisse garnir le poêle tout au long de la journée.. Le poêle était entouré d'une grille en fer pour éviter qu'un élève maladroit ne se brûle et c'est au bord de cette grille que l'on déposait les chaussures mouillées les jours de pluie ou de neige.

Le soir, les deux mêmes élèves, balai et arrosoir en mains, devaient rendre au plancher sa propreté initiale. Cela nous semblait tout à fait ordinaire puisqu'il en allait ainsi dans tous les foyers.

Les années passèrent ; j'ai connu le lycée, l'Ecole Normale et mes premières classes, toutes pourvues de classiques radiateurs fixés contre les murs, et j'ai oublié notre poêle...

Mais voilà qu'un jour, quinze ans plus tard, à mon retour du service militaire, je fus nommé, à titre provisoire dans une très petite école urbaine, à Châlon sur Saône. On y avait ajouté deux classes dans un bâtiment annexe. Dans la classe que je devais occuper, surprise, un bon vieux poêle ! Oh !, bien sûr, les élèves ne faisaient plus le service et le calorifère marchait au charbon, mais le maître que j'étais devait, grâce à un seau placé près de la grille de protection, recharger cette bonne source de chaleur, chaque fois que cela était nécessaire.

Ce fut ma dernière expérience avec les poêles mais, la présence du nôtre, dans la classe de notre musée, a fait remonter du fond de ma mémoire, ces vieux souvenirs que je conte chaque fois à nos élèves en visite .

Marius Mouette