Quelques anecdotes de la vie d’une jeune institutrice, dans les années 40
Je m’appelle Jeanne et j’ai j'ai maintenant 86 ans. Je repense souvent à mes débuts de jeune institutrice, dans le Cantal, en 1941 et 1942.
J’habitais alors à Ussel, en Corrèze. Quand j’étais appelée pour une suppléance, je mettais ma valise sur le porte-bagages de mon vélo et je partais, très tôt le matin. Il y avait souvent quarante ou cinquante kilomètres à faire, par tous les temps et sur les routes accidentées de la Corrèze et du Cantal mais, cela ne me faisait pas peur, j’étais jeune et j’avais du jarret !
Pleaux
A l’arrivée dans le village, ma première préoccupation était de trouver un logement. Une fois, j’avais trouvé une chambre dans un hôtel « simple », à la sortie de la ville la plus proche . Après quelques jours, l’inspecteur ayant eu connaissance de la situation, avait dit : « L’institutrice ne doit pas être logée dans un tel établissement, ce n’est pas convenable ! Il faut trouver autre chose ! » Il a alors trouvé une famille qui a pu m’accueillir. C’était la solution la plus courante.
Besserette
D’autres fois, le curé, qui était toujours un personnage important dans le village, a pu me rendre service . Il est même arrivé que l’un d’eux vienne me voir en classe (« Je viens vous inspecter », disait-il !) Les logements étaient de simples chambres sans chauffage, dans le village ou dans une ferme des environs. Je me souviens que, quelquefois, je devais sortir et casser la glace pour prendre l’eau de ma toilette. J’en ai même gardé l’habitude de me laver à l’eau froide !
Vezac
L’arrivée dans la classe devait être matinale. Il fallaitd’abord allumer le poële avec ce qu’il y avait sur place : exceptionnellement du charbon, le plus souvent du bois ou, à défaut, de la tourbe qui ne chauffait pas grand chose. Il m’est arrivé de demander aux enfants d’apporter une bûche quand il n’y en avait plus à l’école ! On faisait au mieux !
Ladinhac
Puis, les enfants arrivaient. Ils venaient du village et des environs et marchaient quelquefois près d’une heure et, l’hiver, ils étaient frigorifiés en arrivant. Quelques-uns avaient apporté des chaussons et pouvaient ainsi mettre leurs galoches à sécher près du poële... Parfois, des élèves étaient absents, non par maladie, mais parce que le temps était trop mauvais ou pour aider les parents aux travaux agricoles.
C’étaient toujours des « classes uniques »,avec des élèves de 6 à 13 ou 14 ans, garçons et filles mélangés. En effet, alors qu’en ville, les écoles n’étaient pas encore mixtes, les effectifs des petits villages imposaient le regroupement des filles et des garçons. S’il y avait trop d’enfants pour une seule classe, on les séparait plutôt par âge.
Saint-Poncy
La journée commençait toujours par la leçon de Morale, avec tous les enfants, puis venaient l’écriture, la dictée, le calcul, la grammaire, l’histoire et la géographie, les sciences... Heureusement pour les débutants, l’inspecteur envoyait des leçons-modèles de temps en temps. Cela nous aidait bien.
Tenir une « classe unique » n’était pas facile surtout pour la débutante que j’étais. Tous les enfants devaient avoir du travail et je les prenais groupe par groupe. Les plus grands préparaient le Certificat d’Etudes, c’était pour eux le couronnement de leur scolarité. Bien peu d’entre eux pouvaient aller au collège.
Mon travail était difficile mais j’ai quand même apprécié cette période de ma vie. Les relations avec les parents d’élèves étaient agréables le plus souvent et l’instituteur ou l’institutrice était très respecté. (Il faisait souvent office de secrétaire de Mairie). J’étais la « Demoiselle » et ma place et mon rôle étaient importants.